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« Le concept Studio n’est pas assez parfait pour qu’on ouvre les vannes » – Robert Dutton, chef de la direction, Rona (Les Affaires, 28 mai 2011)

Malgré une lecture attentive du dernier rapport annuel de Rona, on ne peut se douter que l’entreprise possède des magasins de peinture et de décoration appelés Studio. Le rapport ne contient en effet pas un seul mot sur cette enseigne, née il y a 18 mois.

Pourtant, Rona nourrissait de grandes ambitions le jour où son nouveau concept a été inauguré, un jeudi ensoleillé de novembre 2009. Le président et chef de la direction, Robert Dutton, avait alors déclaré qu’il espérait avoir une centaine de magasins « d’ici quelques années » et que le concept allait prendre le chemin des autres provinces dès 2010.

Rien de tout cela n’est arrivé. À ce jour, les trois boutiques Studio ouvertes il y a deux automnes (à Saint-Léonard, à Vaudreuil et à Rosemère) sont encore les seules de la modeste chaîne. Et on espère maintenant avoir 10 boutiques, d’ici cinq ans. Les Affaires a voulu comprendre ce qui s’est produit en s’entretenant avec Robert Dutton et Mario Saint-Louis, vice-président des ventes au détail pour le Québec.

« Le concept n’est pas mort, car on l’a implanté dans une quarantaine de magasins Rona qui offrent le logiciel et l’atmosphère du Studio », dit d’entrée de jeu Robert Dutton. Le dirigeant fait ainsi référence à cet outil informatique – créé pour Studio – qui permet d’analyser une photo ou un bout de tissu pour en reproduire les teintes et déterminer les couleurs complémentaires les plus harmonieuses.

Crise et concept

En pleine crise économique, alors que les ventes de Rona reculaient, on a préféré ne pas créer de magasins indépendants. Autre problème : on a vite constaté que le concept n’était pas au point, même si une vingtaine de personnes y ont travaillé pendant un an. Une opération d’environ un million de dollars.

« Le concept n’est pas assez parfait pour dire : « on ouvre les vannes ». On le teste encore, c’est normal. Même qu’on se trouve privilégiés de faire cela. On a essayé toutes sortes de choses, comme des meubles », dit M. Dutton.

« On doit avoir le droit de faire des erreurs, sinon, on se retrouve avec des magasins sans grand intérêt, comme on en voit souvent au Canada. Des magasins peu différenciés, sans concept porteur, commente Brian McConnell, président de l’agence Shop, lui-même créateur de concepts de magasins. La peur de se tromper entraîne des concepts de magasins ternes qui ont peu de chances de se démarquer auprès de la clientèle ciblée. Si tu essaies de plaire à tous, tu finis par ne contenter personne. Le détaillant doit faire des choix et les assumer ».

Dès le départ, Rona avait tenu le pari (généralement risqué) de viser à la fois Madame Tout-le-Monde et les professionnels de la décoration. Résultat ? « On se rend compte que la portion de consommateurs répond mieux que ce qu’on avait espéré, alors que c’est plus difficile auprès des professionnels. On fait des ajustements. On a remodelé le magasin de Vaudreuil à la fin de sa première année », relate Mario Saint-Louis.

La sélection de couvertures de sol – céramiques, lattes de bois, bambou, carpettes – a été bonifiée. « On se rend compte qu’on mettait l’accent sur la couleur, mais ces produits complémentaires représentent des occasions intéressantes à saisir », ajoute le vice-président, qui indique toutefois que l’offre de moulures a été réduite.

Robert Dutton confie, en outre, que des présentoirs de plomberie ont été ajoutés et que l’engouement pour ces produits suscite des idées. « On travaille avec Noble, notre filiale en plomberie, pour voir si on ne pourrait pas mettre sur pied un magasin conjoint qui offrirait de la plomberie de luxe et de la peinture. »

Brian McConnell n’est pas étonné que les pros du design n’accourent pas chez Studio. « Ils font des affaires directement avec les manufacturiers », dit-il. Mais pour les consommateurs, c’est valorisant de croire qu’ils achètent au même endroit que des professionnels du bon goût…

Ici et ailleurs

En lançant Studio, Rona voulait « consolider son leadership » dans la vente de peinture, même si l’entreprise était déjà le numéro un au Canada avec 20 % de parts de marché.

« Nos attentes sont encore les mêmes, mais les délais ont évolué. En cinq ans, on veut construire un concept exportable partout au Canada et particulièrement en Ontario où personne ne domine ce créneau », fait savoir Mario Saint-Louis. Un quatrième point de vente pourrait ouvrir ses portes cette année à Rimouski, confie-t-il.

Puisque les Québécois ont l’habitude d’acheter leur peinture dans des quincailleries, le concept Studio y sera surtout installé à l’intérieur de Rona, explique Robert Dutton. Dans le reste du pays, où les consommateurs préfèrent choisir leurs teintes de maïs, turquoise ou rose dans des boutiques spécialisées, Studio aura pignon sur rue.

« Le secrétaire général de l’Association internationale des centres de rénovation [European DIY-Retail Association, ou EDRA], John W. Herbert, établi à Bruxelles, est venu nous rencontrer à Montréal. Il nous a dit que notre concept exportable, c’était Studio, et il nous a encouragés à le vendre en Europe. On est très excités. Selon lui, nous avons quelque chose d’exceptionnel. Il faut continuer de le développer, mais nous obtenons déjà des résultats intéressants », conclut fièrement Robert Dutton.

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