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Fou d’ici : de la fourrure à l’alimentation (Les Affaires 10 sept 2011)

Pour mieux manger dans un quadrilatère où ils jugeaient l’offre alimentaire déficiente, Christina Nacos et Alex Simatos ont décidé d’ouvrir une épicerie fine. Habitué à vendre des manteaux de fourrures, le duo apprend désormais à gérer des stocks ultrapérissables, au coeur du Quartier des spectacles.

Leur bébé, né le 2 novembre dans l’ancien quartier de la fourrure, a été baptisé Fou d’ici. Parce qu’on y retrouve surtout des produits du Québec et parce qu’on y entend le mot anglais foodie (amateur de bonne bouffe). C’est l’explication officielle. Mais le nom choisi par Christina Nacos et Alex Simatos nous rappelle aussi qu’investir dans une épicerie est un pari assez fou ; les pertes y sont élevées, les marges, minces, et la concurrence, féroce.

Le centre-ville représente cependant un marché porteur. «Il y a une nouvelle densité de population dans le quartier», fait valoir Mme Nacos. «Depuis 10 ans, le nombre de condos de luxe a augmenté dans le quartier, mais l’offre alimentaire n’a pas suivi. Elle est amenée à se multiplier, à s’améliorer», poursuit JoAnne Labrecque, spécialiste de la distribution alimentaire, à HEC Montréal.

Les deux passionnés de bouffe avaient d’abord tenté – sans succès – d’obtenir une franchise de l’enseigne californienne Trader Joe’s, spécialisée dans les produits rares, végétariens, bios et gourmets. Ce refus les a forcés à être encore plus créatifs.

Inspirés par Dean & Deluca et Eataly à New York, les quadragénaires ont créé leur propre concept regroupant une épicerie, un comptoir de prêt-à-manger, quelques tables pour manger sur place et un traiteur. Coût de l’opération : «entre un et deux millions de dollars», un investissement qui sera rentabilisé dans cinq ans, prévoient-ils. Tant les touristes à la recherche de souvenirs que les travailleurs et les résidents du coin y trouveront leur compte, croient Christina Nacos et Alex Simatos, qui espèrent pouvoir exploiter une terrasse sur le boulevard De Maisonneuve l’été prochain et y servir de l’alcool.

Or, deux experts qui ont visité le magasin à notre demande n’ont pas été charmés. «Quel dommage ! Un si beau magasin, mais malheureusement pas un bon magasin. C’est un concept d’architecte, pas de détaillant», juge Brian McConnell, président de l’agence Shop. «Ça ne m’a pas donné le goût de cuisiner ni de manger. On a mis les produits sur les tablettes, sans créer d’expérience», ajoute Jordan Lebel, professeur de marketing alimentaire à l’Université Concordia.

Ambition folle

Même s’ils sont encore des novices dans le monde de l’alimentation, les comparses envisagent déjà d’ouvrir «deux ou trois autres» Fou d’ici au cours des cinq prochaines années, dont un dans le quartier Griffintown, au rez-de-chaussée d’une grande tour de condos.

Il faut dire qu’ils ont l’expérience des affaires. Christina Nacos et Alex Simatos possèdent des boutiques de fourrure près de Philadelphie, à Detroit et en Ontario. De plus, Alex Simatos est vice-président de Fourrures Global, un important manufacturier de manteaux, tandis que sa coactionnaire en gère la distribution et les ventes pour le compte de Les Fourrures Naturelles. Son père, Thomas Nacos, propriétaire de ces deux entreprises, est aussi connu pour ses restaurants Decca77, Wienstein & Gavino’s et Guido & Angelina.

Quelle expertise acquise dans la fourrure pourront-ils transposer dans celui de l’alimentation ? «La fourrure, ça suppose beaucoup de transformation. Les peaux ne sont pas toutes pareilles ou belles. On se demande toujours comment tout utiliser pour limiter les pertes. Ici, c’est la même chose. Par exemple, on va faire du gâteau avec les bananes qui commencent à être picotées», répond Mme Nacos.

Cette stratégie est d’ailleurs au coeur de l’équation quand on demande à Alex Simatos comment il compte s’y prendre pour faire des profits. «Généralement, dans l’industrie, les pertes sont de 10 %. Nous, on ne jette presque rien pour ce qui est des fruits et légumes. Même chose concernant la viande. Par contre, c’est plus difficile dans le cas de la boulangerie.»

FOU D’ICI EN CHIFFRES

75 % des 1 700 produits proviennent du Québec

Superficie : 7 800 pieds carrés, dont 5 700 de vente au détail

Embauche : 32 personnes

Part prévue du prêt à manger : 20 % des ventes totales

Nombre de clients le jour de l’ouverture, le 2 novembre :450

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